Paroles d'expert 4 min

Muzzi Cycles lance les premiers vélos en plastique recyclé

Rencontre avec Juan Muzzi, fondateur de Muzzi Cycles et créateur du premier vélo réalisé à partir de bouteilles en plastique recyclé.
Muzzi Cycles lance les premiers vélos en plastique recyclé
Muzzi Cycles lance les premiers vélos en plastique recyclé

Présentation du cadre réalisé à partir de bouteilles en plastique recyclé.

Votre parcours professionnel, voire personnel, est assez étonnant. Pouvez-vous le résumer en quelques mots ?

N’exagérons rien, c’est simplement le parcours d’une personne qui a des idéaux sociétaux, qui est très curieuse et aime aller de l’avant. Bien que vivant au Brésil depuis 1970, je suis Uruguayen, pays que j’ai fui lors de la dictature des années 1970-1980, après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur en génie mécanique à l’Universidad del Trabajo del Uruguay.

Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai atterri au Brésil. Touche-à-tout, j’ai tenté de mettre au point et de commercialiser un certain nombre d’objets. Le succès est venu avec le Mola, un jouet. Il s’agit en fait d’un grand ressort très souple qu’il est amusant de jeter dans un escalier. Je suis sûr que vous le connaissez en Europe ! Bref, grâce aux bénéfices du Mola, je me suis tourné vers les plastiques en créant Imaplast, une société de design industriel fabricant des objets en plastique injecté. J’aime aussi me définir comme un artiste, je peins énormément et j’ai eu la chance de faire quelques expositions…

C’est donc via Imaplast que vous avez eu l’idée de créer un vélo à partir de plastique recyclé ?

Très sincèrement, l’idée de concevoir un vélo pour toutes les bourses me trottait dans la tête depuis des décennies. J’ai eu mon premier vélo à 14 ans. En Uruguay, c’était presque un luxe. Grâce à ce vélo, j’ai découvert la liberté et l’indépendance. Travaillant dans les plastiques injectés, je me suis dit qu’il devrait être possible de fabriquer un vélo dans ce matériau qui a énormément de qualités. En premier lieu, il est peu onéreux. Ensuite, il se moule très facilement, peut prendre toutes les couleurs, il est simple d’entretien, léger et solide. Enfin, les plastiques étant par définition des matériaux souples, le cadre encaisse très bien les chocs et on peut ainsi se passer d’amortisseur. La panacée donc… Je me suis penché sur la conception d’un cadre en polyamide au début des années 2000. Puis, peu à peu, j’ai pris conscience de l’importance des enjeux environnementaux liés aux plastiques. J’ai donc décidé de créer ce cadre à partir de plastiques recyclés. Mon choix s’est porté sur le PET des bouteilles, un polymère courant et simple à recycler. Je suis très fier de posséder le seul et unique brevet mondial portant sur la fabrication d’un cadre de vélo en plastique recyclé.

Avez-vous réussi à mettre ce vélo à la portée du plus grand nombre ?

Hélas non ! Pour la simple et bonne raison qu’un vélo n’est pas constitué du seul cadre. Je suis obligé de passer par des fournisseurs pour tout le reste : les roues, le guidon, le système de transmission, les freins, etc., et cela fait grimper la facture. Malgré les milliers de vélos que nous vendons tous les ans, ce n’est pas suffisant pour faire des économies d’échelle. Nous ne sommes présents qu’en Amérique du Sud.

200 bouteilles usagées en PET suffisent pour fabriquer un cadre de vélo en plastique recyclé.

Comment vous procurez-vous le PET recyclé ?

Je l’achète sous forme de granules à des recycleurs. Je ne participe pas directement à la collecte. Cependant, je m’investis de temps à autre dans des projets caritatifs via des ONG qui récoltent les plastiques usagés. Il faudrait que nous soyons encore plus nombreux à voir les bouteilles usagées comme une ressource plutôt que comme un déchet. L’économie circulaire a de l’avenir. Il faut en effet savoir qu’il est parfois plus coûteux d’incinérer un plastique comme le PET que de le recycler. Quant à son enfouissement, c’est une ineptie.

Gros succès en Amérique du Sud pour un vélo conçu en PET recyclé.

De la bouteille en PET au cadre de vélo en PET recyclé après passage par la presse à injection. Une parfaite illustration de l’économie circulaire !

Quel est le process de fabrication d’un cadre ?

Il est très simple : on injecte du PET recyclé sous la forme de granules dans un moule et, moins de trois minutes après, il en ressort un cadre flamboyant. 200 bouteilles suffisent à fabriquer un cadre.

Ensuite, nous assemblons les différentes pièces (près d’une centaine au total) et commercialisons nos vélos. Nous sommes une PME basée dans la région de Sao Paulo, et l’une des mes autres fiertés est de contribuer très positivement à l’emploi local.

Quels sont vos projets ? Et a-t-on une chance de voir vos vélos en Europe ?

Comme je le disais, nous y travaillons. En tant que Sud-Américain, j’envisage l’Espagne comme une porte d’entrée. J’ai également de nombreuses idées : j’aimerais, par exemple, offrir un vélo à chaque habitant de l’île de Pâques. Je pense que nous serons d’ici peu en mesure de le faire car nous sommes en contact avec une ONG qui est très proche des habitants de cette île perdue au milieu de l’océan.

Indéformables, incassables, les cadres de vélo en plastique recyclé Muzzi subissent toutes les tortures avant d’être commercialisés. Comme ici, jetés d’une hauteur de près de 20m.

D’un point de vue technique, je m’intéresse depuis quelque temps aux polymères qu’il serait possible de créer à partir de la biomasse. Je ne sais pas encore ce qui est réellement envisageable mais j’estime que cette piste est intéressante. Je cherche également à créer de nouveaux modèles, comme un vélo pliant pour enfant qui tiendrait dans un coffre de voiture. Enfin, j’essaie de trouver de nouvelles pièces à fabriquer en plastique recyclé. Le métal de la chaîne, par exemple, pourrait laisser la place à une courroie en plastique crantée comme cela existe déjà sur certains modèles de motos. Le tout est de trouver le polymère recyclé qui soit suffisamment résistant, car nous ne commercialisons rien qui ne soit passé auparavant sous les fourches caudines de nos tests de résistance. Il est en effet hors de question que nos productions soient source de tracas ou, pire, d’accident pour leur utilisateur. D’ailleurs, nos cadres sont garantis à vie mais ils sont également recyclables à l’infini.

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